Les statues d’ancêtres bahemba témoignent généralement d’un grand savoir-faire et sont souvent très finement sculptées. Cette beauté exceptionnelle est l’expression des hautes qualités morales que la communauté muhemba s’efforce d’atteindre. L’accent est principalement mis sur trois éléments : le visage, l’abdomen et le sexe. Le calme, la douceur, la grâce et la sérénité du visage rond et symétrique traduisent l’idée de perfection dans l’éternité imperturbable du monde d’outre-tombe. Cette figure met en exergue l’équilibre, la symétrie et le raffinement. Les sourcils sont arqués. Les yeux clos renvoient à la profondeur du regard intérieur et spirituel qui capte, scrute et pénètre mieux les coeurs des vivants et les mystères de l’au-delà ainsi que la paix intérieure des ancêtres. Le nez, petit, long et droit, se rapproche des faces des ancêtres bahemba. La taille réduite de la bouche, également close, et la finesse des lèvres sont une invitation à la sauvegarde de l’énergie créatrice et à la préservation de la force intérieure. Un sage se contrôle pour ne pas proférer n’importe quelles paroles, hormis celles qui sont nécessaires et utiles. La tête surmonte un long cou (ilaila singo), signe d’élégance et de sveltesse. Une fine barbe en collier encadre les joues et le menton.
Les mains posées sur le ventre (vumo, afu) renvoient à l’idée de l’utérus, de la progéniture issue d’un même utérus. Aussi sont-elles posées de part et d’autre du nombril (muswu), autre terme renvoyant à la parenté (bubutule), à la fraternité (bwana), à la progéniture (lutando), à la descendance (fuo) et à l’ascendance (usibana mulu). Par cette position, l’ancêtre ainsi représenté embrasse, caresse, soigne, nettoie et bénit chacun de ses petits-enfants à naître et cela, de génération en génération et à perpétuité.
Si le peuple muhemba est matrilinéaire, sa tradition sculpturale consacre toutefois une dévotion particulière aux représentations des ancêtres mâles. La statue décrite ici laisse apparaître en toute proéminence le sexe masculin qui renvoie à la fécondité, ou mieux à la virilité, à la force procréatrice. Le sexe est traditionnellement circoncis, le rite de circoncision étant une voie d’intégration des jeunes garçons dans la communauté des adultes.
Le code de conception de ce style de sculpture surprend. Les proportions naturelles de l’être humain ne sont pas respectées. Le bas du corps, de la taille jusqu’aux pieds, ne représente qu’environ 20 % de la hauteur totale de la statue. Les jambes sont donc assez courtes.
Le culte des ancêtres est central dans la société des Bahemba. Tous les aspects de la vie communautaire sont imprégnés par l’autorité des ancêtres. Leurs sculptures abondent puisqu’ils influencent la justice, la médecine, le droit, la politique, la spiritualité et les sacrifices. Néanmoins, ce peuple reconnaît l’existence d’un Dieu créateur, Vilye Nyambi. Il revient au chef de clan, entouré de son peuple, de rendre le culte à ses ancêtres. Et pour un chef de clan, posséder un certain nombre de ces effigies ou de ces statues d’ancêtres passait pour une marque d’honorabilité et de noblesse. [Source: Lukanda Lwa Malale Ndeke, Florent dans: 100xCongo, 2020: 266]