Les sièges à caryatide ou bipona (sg. kipona) sont les principaux symboles de pouvoir dans l’empire des Baluba. Le palais du roi est d’ailleurs appelé le « siège du pouvoir » ou kitenta – du verbe kutentama, perché sur une branche, au sommet d’une montagne, être placé au-dessus des autres. Le fait de s’asseoir sur un siège royal est une métaphore renvoyant au rang, à la hiérarchie, très stratifiée de la souveraineté des Baluba. Kushikata (s’asseoir), kushikacila, (s’asseoir pour) ou kushikeeta (s’asseoir sur) ont le sens de dominer, de régner, de maîtriser, d’exercer son autorité, son empire. L’expression « shikata », sous-entendu « pa kipona », ou « assieds-toi (tranquillement) sur le siège » adressée à un chef signifie règne, gouverne, préside encore et en toute tranquillité. Le kipona sert ainsi d’insigne essentiel du pouvoir royal et confirme la légitimité du souverain (mulopwe) auprès des esprits tutélaires des territoires (mikishi), des ancêtres (bakishi) et du peuple.
Ce siège tenait une place capitale lors des cérémonies d’investiture. Il marquait le moment glorieux du règne. Il était placé sur une peau de léopard (kiseba kya nge) et le nouveau chef s’y asseyait pour prêter serment et s’adresser à son peuple pour la première fois en tant que roi. L’âme de chaque souverain était enchâssée dans son trône. À sa mort, la résidence royale était préservée pour la postérité comme capitale spirituelle et lieu de mémoire. Ce site devenait kitenta, siège, lieu élevé ou mieux, lieu d’élévation, de pouvoir, d’autorité. Le kipona est le symbole concret de ce siège, de ce pouvoir, de cet empereur mulopwe, mort ou vivant. C’est pourquoi, le siège/trône de bois sculpté était uniquement réservé au mulopwe, au roi et au kilumbu, devin-prophète. Au-delà de son rôle simplement fonctionnel, il servait de réceptacle à l’esprit du bulopwe. Il symbolisait en outre les préceptes les plus fondamentaux du pouvoir et de la succession dynastique.
Emblème tellement puissant, le kipona était souvent conservé dans un endroit secret dans un village autre que celui de son propriétaire de façon à diminuer le risque de vol. Enveloppé d’un linge blanc (didiba ditoka), il était soigneusement gardé par un dignitaire attitré. Ce gardien était une femme notable (mfyama ou « celle qui se cache ») ou in’a banza (« gardienne du secret de la cour »). Le kipona ne sortait qu’en des très rares occasions, lors de cérémonies et de rituels particuliers puisqu’il était destiné au monde des esprits. Ce siège à caryatide est supporté ici par une figure féminine debout. [Source: Lukanda Lwa Malale Ndeke, Florent dans: 100xCongo, 2020: 256]