Chez les Songye, cette statue masculine s’appelle, selon les régions, mpala ou kishatu. C’est une statue à pouvoirs communautaire protégeant contre les attaques externes et internes. Tous les chefs souhaitaient satisfaire les besoins de leur communauté et cette statuette incarnait une force leur permettant de le faire. En cas de crise ou de problèmes au sein de la communauté – rareté du gibier, eaux moins poissonneuses, mauvais rendements agricoles, épidémies, etc. –, la population procédait à des incantations autour de la statuette pour trouver des solutions à leurs problèmes. La statuette montrait au chef ce qu’il y avait lieu de faire.
Selon la tradition orale, ce type de statue permettait aussi de lutter contre certaines épidémies, dont la rougeole et la varicelle qui avaient fait rage dans la région songye à l’époque du chef Lumpungu, à la fin du 19e siècle. Ce dernier était même devenu borgne à cause de la varicelle. Le nom de kishatu attribué à la statue est le propre nom de la personne qui l’a conçue. Kishatu est devenu populaire dans la région et tous les villages y ont eu recours.
Cette statue jouait aussi le rôle de guerrier. Chez les Songye, en cas de guerre, des rituels étaient organisés (cérémonies ou sacrifices) afin d’arracher la victoire. Lorsqu’une population entrait en guerre ou qu’elle se sentait menacée, elle avait recours aux statues à pouvoirs (nkishi) et aux esprits des ancêtres. Durant les combats, un membre de la famille du chef du clan ou du village devait veiller aux nkishi et au bon déroulement des cérémonies pour implorer la victoire auprès des esprits des ancêtres. Il était également contraint de veiller sur la marmite placée à côté de la statuette. Ce récipient, en céramique, contenait de l’eau mélangée à divers ingrédients (bijimba). Des chèvres, des poules ou des coqs étaient sacrifiés à la statue.
Le gardien du nkishi devait respecter certains interdits pendant toute la période de la guerre comme, par exemple, ne pas avoir de rapports sexuels ou ne manger aucun repas préparé par une femme. Il devait être particulièrement vigilant et rester sans cesse à côté de la statue et de la marmite. En soulevant continuellement son couvercle, il pouvait connaître l’évolution de la situation sur le champ de bataille. Grâce à la couleur de l’eau, le nkishi lui indiquait si la victoire ou la défaite était proche. Si l’eau restait blanche, cela signifiait que les combattants du village étaient victorieux mais, si elle devenait rouge, l’ennemi leur était supérieur. Il fallait alors procéder à d’autres sacrifices pour renforcer la puissance du nkishi. Un repas à base de poule était préparé et déposé à côté de la statuette pour implorer une nouvelle fois la victoire. [Source: Dibwe dia Mwembu, Donatien dans: 100xCongo, 2020: 241]