Cette paire de pendentifs (voir aussi AE.0794) appartient à l’art classique. Les pendentifs étaient faits d’ivoire, de dents de hacochères, d’os ou de cornes. Ces figurines féminines miniatures ont été taillées dans l’ivoire. Il s’agit d’une représentation d’un ancêtre honoré et commémoré. Elle symbolise et perpétue dans la mémoire collective l’esprit de cet ancêtre. Elles font partie des sculptures dites nkishi muhashi ; muhashi étant dérivé du verbe kuhashika, suspendre, ccrocher, faire pendre. La figurine était suspendue avec d’autres objets tels que des amulettes, des perles ou des cornes à des bandoulières (mampinda, du verbe kupindakana, s’entrecroiser) qui étaient portées en travers de la poitrine ou attachées aux bras. Parfois, on les accrochait aux sommets des cannes de commandement des chefs. Les bustes représentent une femme, le corps s’arrêtant au niveau des hanches. La miniaturisation du corps humain débouche sur l’accentuation de la tête et du torse. Les mains tenant la poitrine traduisent la dévotion, le respect et la détention des secrets royaux. Elles sont un signe de maîtrise, de retenue, de réserve. Les yeux clos, sous un front bombé, symbolisent le regard intérieur, profond et spirituel, la participation aux délices et aux merveilles du monde divin.
La ligne sculptée qui court sur le front haut et arqué est la reproduction d’une longue et profonde scarification appelée busudi, probablement une variante linguistique du mot swahili buzuri ou uzuri, qui signifie beauté. Cette scarification indique que la personne qui la porte appartient au peuple muluba. Le ventre tatoué est marqué par des cercles incisés autour d’un point central. L’un d’eux représente le nombril. Ces scarifications sont appelées tunyungo, ce qui signifie littéralement tamisage ou scarification du ventre. Les cercles font référence aux nombreux mondes des esprits qui tournent chacun autour du seul grand Esprit créateur, Vidye Mukulu. Les yeux clos aussi expliquent la profondeur et la spiritualité du regard intérieur. Le ventre est le lieu de prédilection des attouchements érotiques pendant les contacts intimes. Pour une femme enceinte, le ventre (difu) est le siège des esprits à naître. Le nombril proéminent (musuku mpita) souligne la sacralité du lien parental qui confère la dignité d’être fils libre du pays (bwaana pabo), la transcendance de la progéniture à travers les âges (lutundu) et la fraternité scellée dans le sang jusqu’au degré le plus éloigné de la parenté (bulongo). Le cou porte deux colliers de perles, marques de beauté, de richesse et d’accès au monde divin, car les perles rouges (malungo)
sont les clés du monde divin (lufungulo lwa bukishi). Le rouge est la couleur de l’esprit Kibawa Mupemba, normalement imprégné de kaolin blanc. S’il s’enduit d’ocre, il dévore mukishi wishingile mpemba. Wishinge nkulwa wadyana ! C’est l’esprit qui punit le Mal dans le monde et rétablit l’harmonie cosmique voulue par le Créateur. Il guerroie pour protéger les alliés de Dieu qui adressent leurs cris de détresse à l’Être suprême.
Chaque figurine est percée latéralement pour permettre de les suspendre. Les fibres ont été préservées. Ces statuettes évoquent les esprits ancestraux qui sont activement présents dans les amulettes et qui accompagnent partout son porteur. Elles restent ainsi des objets très familiers et personnels, constamment en contact étroit avec le corps, et partant, aisément manipulables. [Source: Lukanda Lwa Malale Ndeke, Florent dans: 100xCongo, 2020: 252]